Les membres de l'Institut Français du Sein sont mobilisés, depuis des années, pour que toutes les femmes puissent bénéficier de tests génomiques* et limiter ainsi, au nécessaire, les indications de Chimiothérapie. Nous y sommes presque.
Grâce à des accords spécifiques entre l'Institut Français du Sein, la société Genomic Health et la clinique de l'Alma, toutes les patientes éligibles, traitées par notre équipe, ont bénéficié - sans aucune contrepartie financière - d'un test Oncotype DX.
On peut estimer que nous avons ainsi épargné une chimiothérapie inutile à près de 35% des femmes que nous avons soignées. C'est énorme, et cela s'est fait sans jamais faire courir de risque à une seule de nos patientes. Malheureusement ce test, en dehors d'accords spécifiques, n'était pas remboursé (plus de 3000 Euros)
Après bien des tours et des détours, un processus de remboursement est enfin proposé. Le système est complexe, comme souvent en France, mais enfin nous voyons une possibilité de ne plus limiter l'accès aux tests à quelques femmes chanceuses, riches ou informées.
Le dispositif est financé par la DGOS qui dépend du Ministère de la Santé (et pas de l'Assurance Maladie) avec, pour les établissements demandeurs, un remboursement fixé à 1850 Euros.
Pour la première fois depuis des années, la voie est ouverte et c'est pour nous, soignants, un immense soulagement.
Un point noir : la qualité très inégale des tests remboursés .
On notera cependant que le dispositif ne fait pas le tri dans les tests remboursés, remettant à demain les choix nécessaires : les signatures génomiques ne sont pas identiques (le nombre de gènes, les gènes testés et les technologies utilisées diffèrent beaucoup). La qualité des études qui ont précédé leur lancement respectif est encore plus inégale.
Pour faire court, un test comme Oncotype DX, dont les niveaux de validation sont élevés, et qui offre une sécurité maximale (lorsque Oncotype exclut une chimiothérapie, on peut être sûr qu'il ne faut pas la faire) se retrouve traité à égalité de remboursement avec des tests qui sont encore dans le domaine de la recherche (niveaux de preuves bas) et/ou qui n'ont pas montré une efficacité franche dans des essais Internationaux.
Ainsi, avec le même fond, on finance santé et recherche sans l'expliquer, sans dire l'importance du choix. Comme si peu importait le test, pourvu qu'on en ait un. C'est faux, bien sûr, et c'est dommage de le laisser croire, mais cela sera probablement vite corrigé sous la pression des patientes et des médecins. La confusion des genres n'est jamais bénéfique. Nos patientes méritent la clarté.
Un autre regret, les tests en question sont Nord-Américains ou Européens (Pays-Bas, Allemagne). Il n'y pas de test Français. La création (très visionnaire) des 28 plateformes de génétique moléculaire sous l'égide de l'INCa y aboutira certainement tôt ou tard, mais pour ce qui concerne les Cancers du Sein, nous n'y sommes pas encore.
Ne boudons cependant pas notre plaisir. Nous y sommes presque. Demain, la chimiothérapie, qui sauve tant de jeunes vies en en brisant certaines, se fera avec plus de certitudes.
* Les tests génomiques étudient le fonctionnement des gènes dans les cellules cancéreuses. Il s'agit d'examens qui font appel à des technologies très sophistiquées de biologie moléculaire et nécessitent beaucoup de temps pour leur réalisation. Ces données expliquent le coût élevé.