Le cancer du sein est une maladie qui effraie car elle tue encore de trop nombreuses femmes. Aussi, est-on tenté de proposer les traitements les plus lourds afin d'offrir à chacune les meilleures chances de guérison.
Pour autant, grâce à de nombreuses études épidémiologiques, nous savons que les séquelles liées aux traitements peuvent être également lourdes, voire mortelles. Aussi, nous ne pouvons pas accepter le paradigme "en matière de cancer du sein, le plus est le mieux" sans chercher à nous poser et réfléchir aux armes qui sont aujourd'hui les nôtres. Et à proposer un autre mode de traitement, plus sophistiqué, plus respectueux de l'intégrité physique et conforme aux données scientifiques actuelles.
Chimiothérapie et balance risque/bénéfice
Jusqu'au début des années 2000, le corps médical savait mal placer le curseur entre ce les deux plateaux de ce qu'il convient de nommer la balance RISQUE/BÉNÉFICE. L'utilisation de la génomique des tumeurs (étude de l'expression des gènes) a permis progressivement d'affiner les décisions. Aujourd'hui, depuis la publication en 2018 des résultats d'un vaste essai thérapeutique (l'essai TailorX), nous avons enfin des certitudes. Nous pouvons éviter en France, chaque année, des milliers de chimiothérapies, sans faire courir de risques à nos patientes. C'est le parti-pris de l'institut Français du Sein, pionnier dans l'utilisation raisonnée des tests génomiques.
Une chimiothérapie : oui, mais pour qui ?
La chimiothérapie est une arme majeure dans le traitement des cancers du sein. Elle sauve chaque année des milliers de vies. Mais nous savons aussi que, dans bien des cas de cancers du sein, elle n’apporte aucun bénéfice. Au contraire, elle entraîne un surcroit de souffrances (physiques et morales) et peut même être parfois dangereuse.
La difficulté, pour les cancérologues, est de déterminer quelles sont les femmes qui vont bénéficier d’une chimiothérapie et celles qui n’en auront aucun bénéfice. Pour un certain type de tumeurs du sein (les plus fréquentes, celles qui ont des récepteurs hormonaux), il est aujourd’hui possible de savoir avec une grande précision celles qui vont nécessiter une chimiothérapie et celles pour lesquelles cette chimiothérapie est totalement inutile.
Un test génomique pourquoi ?
Pour cela, il faut utiliser un test génomique qui va être réalisé sur la tumeur retirée pendant l’intervention chirurgicale. Ce test, qui analyse 20 gènes du cancer, s’appelle Oncotype DX.
Il permet d’éviter de très nombreuses chimiothérapies inutiles (plusieurs milliers chaque année en France). Pour l'heure, il est effectué uniquement aux USA (en Californie) dans un laboratoire spécialisé.
Il ne s'adresse qu'aux cancers hormono-dépendants, n'exprimant pas l'antigène Her 2.
Le résultat du test est donné sous forme d'un nombre (0-100) qu'on appelle le Recurrence Score (RS)°.
Patientes sans atteinte ganglionnaire (N0).
Pour des milliers de femmes incluses dans l'essai qui a étudié l'impact d'Oncotype Dx une chimiothérapie est inutile lorsque le recurrence score est bas (RS <26).
Comment avoir accès à Oncotype DX ?
Depuis 2 ans, Oncotype DX est pris en charge et ne nécessite donc aucune participation financière des patientes ou des établissements de soin. Pourtant, pour des raisons complexes, trop peu d’équipes cancérologiques Françaises (privées ou publiques) utilisent ce test qui permettrait pourtant d’éviter de nombreux drames humains. Il faut savoir que le remboursement d’Oncotype DX ne peut intervenir que dans l’établissement où la patiente a été opérée.
Il est donc important, pour chaque patiente chez qui un cancer a été découvert récemment, de se renseigner pour savoir si ce test peut être pratiqué par l’équipe (privée ou publique) vers laquelle elle se dirige.
Notons que nos voisins Belges et Allemands ne connaissent pas cette limitation et que dans ces pays, au contraire de la France, Oncotype Dx est accessible dans tous les établissements de soins. Plus loin aux USA, en Israël ou au Canada, ce test fait partie des standards de soins.
L'institut Français du Sein et Oncotype DX
L’institut Français du Sein, pionnier en la matière, utilise Oncotype DX chaque fois que son résultat est susceptible de modifier l’indication d’une chimiothérapie (c'est à dire souvent).
Le test est décidé lors de nos réunions communes qui réunissent régulièrement les médecins de l'Institut Français du Sein. Son résultat est interprété en fonction des dernières données de la littérature scientifique.
Ganglions indemnes, ganglions touchés et Oncotype DX
Nous reviendrons plus tard sur les développements récents et en particulier sur les résultats détaillés de l''essai RxPONDER.
Cependant, dores et déjà, il est possible de donner un synoptique des indications rationnelles des chimiothérapies pour les patientes N0 (ganglions indemnes), N1 (1-3 ganglions touchés), N2 (plus de 3 ganglions touchés). L'âge et plus particulièrement le fait d'être ménopausée ou non est un facteur clé.
Patientes N0 et N1 ménopausées :
RS < 26 Hormonothérapie (85% des patientes),
RS ≥ 26 Chimiothérapie puis Hormonothérapie (15% des patientes)
Patientes N0 non ménopausées :
RS < 16 (40% des patientes) Hormonothérapie.
RS 16-20 (20% des patientes) : traitement à discuter en fonction des autres facteurs de risques.
RS>20 : Chimiothérapie puis hormonothérapie (30% des patientes)
Patientes N1 non ménopausées :
pas de test : Chimiothérapie puis Hormonothérapie.
Patientes N2 (ménopausées ou non ménopausées) :
Chimiothérapie puis Hormonothérapie.
Institut Français du Sein : comment nous utilisons Oncotype DX
Nous utilisons le test Oncotype Dx chaque fois qu'une chimiothérapie inutile peut être évitée (et c'est souvent le cas). Les résultats sont probant (niveau de preuves maximum en médecine).
Cela signifie : lorsque nous n'indiquons pas de chimiothérapie, c'est que ce traitement vous ferait courir plus de risques qu'il ne vous assure de bénéfices.
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